Les Thermographies
La Thermographie en 1997
A 5h00, tout le monde est debout car la thermographie doit être faite hors soleil. Les équipes se répartissent sur le terrain entre le GRAND CAP et la TETE DU CADE.
A 6h45, on l’entend arriver de loin, cet hélicoptère qui fait un bruit de scarabée. Sa taille apparente est ridicule, pourtant il ne vole pas haut… Il se met à suivre les axes fixés… il tarde, et nous n’avons droit qu’a une heure de vol…
Un mois plus tard, Pierre AIMON spéléo au C.A.F de Nice et professionnellement photographe aérien, me fait parvenir les images… Les points chauds blancs matérialisant les cavités sont gros comme des olives.
Nous profitons du premier rassemblement spéléo varois, en Mai 97 à Siou-Blanc, pour faire le repérage de ces points chauds. Toute une bande en folie arpente les lapiaz, soulevant le moindre caillou. Nous pouvons à cette occasion localiser 3 petits trous prometteurs…
En Août, un de ceux-ci nous livre un P 50…
Mais cette thermographie est incomplète, notre objectif est de réaliser la carte thermique du massif en prenant en compte l’ensemble des sites et éléments du système. Un cahier des charges doit être établi de façon à réaliser une série de mesures au cours d’un hiver.
Bien avant la démocratisation des appareils de photo numériques, la caméra infra rouge n’utilisait pas de support argentique, un balayage électronique étant fait dans une longueur d’onde bien précise, adaptée aux différences de température à mettre en évidence. La technique n’est pas simple, nécessite un matériel complexe et coûteux. Les crédits nécessaires à une telle opération amenèrent de nombreuses démarches.La circulation des flux d’air, leur température sont des éléments primordiaux à prendre en compte dans le cadre des recherches de cavités sur un karst.
En hiver, quand l’atmosphère extérieure est très froide, l’air plus chaud s’exhalant d’une cavité est l’indice d’un vide souterrain.
La thermographie utilise la propriété des ondes infrarouges qui permet de caractériser l’émission de chaleur de n’importe quel matériau. Situées juste après le rouge dans le spectre des couleurs, elles sont invisibles à l’oeil nu.
La Thermographie en 2001
Le 15 mars 2001, nous concrétisons une nouvelle mission avec le conseil général du Var en étroite collaboration avec la cellule géologique départementale, service qui dépend de la Direction de l’Environnement et de l’Équipement Rural du Conseil Général du Var.
Afin d’approfondir les connaissances sur le massif, à la fin de l’année 2000, le Conseil Général du Var nous passe commande d’une opération de thermographie sur le secteur dit de la «Tête du Cade».
Celle-ci se concrétise en Mars 2001 par la réalisation de prises de vues qui permettent d’établir une carte thermique du secteur.
La mise en œuvre de cette opération a présenté différentes difficultés dont nous avons dû nous affranchir afin de finaliser la mission et d’établir la carte thermique du secteur.
Nous avons établi un cahier des charges en fonction des deux précédentes expériences que nous avions mis en œuvre en 1996 et 1997.
Le premier objectif est de réaliser une carte thermique, ce qui n'était pas le cas dans les 2 précédentes missions où il était question de se consacrer à inventorier les différences de températures, c’est-à-dire, une simple étude quantitative.
Différentes disciplines autres que la spéléologie pourraient bénéficier de ce support notamment dans le cadre des études botanique.
Précision sur les objectifs spéléologiques de la mission de 2001
En 1968, à l’occasion du percement du canal souterrain de Provence, pour assurer l’irrigation des terres agricoles, une cavité naturelle est découverte.
Le G.S de Provence explore ce vaste réseau, descendant 222m de puits, en escaladant 203m dans le but d’établir une jonction avec la surface. Aucune galerie parcourue ne permet d’accéder à l’extérieur. Les explorations s'achèvent malheureusement le 1er novembre 1968 par la mise en eau de l’ouvrage, l’entrée de la cavité est bétonnée.
Depuis cette date, les spéléologues accentuent leurs recherches, mais à ce jour personne n’a pu atteindre le réseau de la Tête du Cade.
L'autre objectif de l’opération est de découvrir un accès à la cavité.
Situation et cadre de la mission
Nous avons recensé les opérateurs potentiels pour réaliser ce type de mission et diffusé un appel d’offre. Nous n’avons reçu que deux propositions (SIRTECH et ANTEA) dont une qui était hors de portée en terme de tarifs. Le choix des moyens aériens a aussi été rendu difficile à cause de différents facteurs.
Tout d’abord les précipitations neigeuses ont fait que la majorité des machines a été mobilisée par les services de l’état pour mener à bien les opérations de secours et de remise en état des réseaux.
Ce sont aussi les travaux sur l’aérodrome du Castellet qui interdisent les décollages jusqu’à la fin du chantier mais aussi les opérateurs qui refusent de monter le matériel sur leurs appareils respectifs, vis à vis, de la réglementation aérienne.
Nous avons dû avoir recours à une société d’hélicoptères basée sur Avignon et sur un opérateur en thermographie situé sur Beauvais. Cette spécificité a rajouté des contraintes qui ont réduit la souplesse d’intervention. La mission n’a pu être mise en œuvre dans les conditions optimales qui auraient pu être atteintes par des opérateurs locaux notamment sur les choix en terme de date et de météorologie.
la mission
Survoler le massif karstique de la Tête du Cade (commune du Beausset dans le département du Var) sur une surface de 3 Km2.
Détecter différents orifices susceptibles de conduire au réseau de la Tête de Cade et dresser une carte thermique de la zone concernée.
Déroulement de la mission
À 6h30 du matin, une équipe de 25 personnes se retrouve au carrefour entre la N8 et le chemin qui mène à la bergerie des 4 frères. Deux groupes sont constitués.
Le premier prendra place sur la route forestière de Siou-Blanc. L’autre prendra position sur le secteur situé à l’aval de la Tête de Cade. Ils serviront de repère à L’hélicoptère pour la localisation des axes de survols.
À 7h30, l’hélicoptère prend son envol pour assurer le survol et les prises de vues.
À 8h50, ceux qui ne doivent pas rejoindre leurs postes de travail se retrouvent à la bergerie pour terminer le petit-déjeuner. Le matériel est démonté.
À 10h00, c’est la dislocation du dispositif, l’hélicoptère rejoint sa base.
C’est Alain ASSIRE de la société SIRTECH qui assure le décryptage des données. Ce dernier est réalisé à l’aide d’applications informatiques spécifiques qui permettent d’acquérir les images I.R et les images réelles. Des mosaïques sont montées et assemblées pour créer une carte (voir ci-dessous).
Le logiciel de traitement utilisé est «IR Win Research». Il permet une visualisation dynamique grâce à ses palettes couleurs ajustables mais aussi des mesures par points, zones, et profils.
En 1993, les comités départementaux de spéléologie, de l’U.F.O.L.E.P. du Var et l’association Aladin lançaient le projet SPELE-EAU qui visait à mieux connaître les circulations souterraines du massif de Siou-Blanc.
Cette initiative avait pour objectif de réaliser différentes investigations (traçages, plongées...)
Nous avons tenté de découvrir des cavités inconnues par la mise en oeuvre de thermographies.
Cette technique avait été utilisée avec succès en janvier 1986 par le SC. Aérospatiale de Marignane sur le massif voisin de la Sainte-Baume, amenant la découverte de l’Aven de l’Ecureuil.
Une première campagne fut effectuée en 1996, mais suite à des incidents techniques, elle ne fut pas concluante. L’opérateur s’engagea pour une nouvelle campagne gratuite en 1997....
Début Mars 1997, la bergerie de Siou Blanc est bien enfumée à l’occasion du dernier briefing… Au sol, une trentaine de personnes sont prêtes à matérialiser certains sites remarquables avec des foyers, nous pourrons ainsi localiser les cavités par G.P.S embarqué. La caméra est cette fois le modèle numérique à refroidissement azotique de chez AGEMA : un appareil révolutionnaire.
Liste des participants
Équipe au sol : Chantal BALSSA, Guy BLASCO, Rémi BLEYNAT, Luc FERRANDIS, Gérard FRANCO (5 Forestlers du Conseil Général du Var), David HIOU-YOU, Thierry LAMARQUE, Christian LIGUORI, Jean-pierre LUCOT, Didier MARSCH, Jean-jacques MATHIEU, Christian MATIEU, Alain MATTEOLI, Fabrice MAUREL, Philippe MAUREL, Alain MELNIZUCK, Carole MELNIZUCK, Olivier PASQUINI, Philippe PRACHIA, Hervé TAINTON, Jean-jacques VEUX...
Equipe embarquée :
Alain ASSIRE Ingénieur en Thermographie, Jean-Pierre BEULAYGUES Pilote Film et Son, Pilote Provence Hélicoptère, Robert NICOD Cadreur.
Voir les bandes infrarouge du secteur de la Tête du Cade
Conclusion
La carte thermique est le point de départ pour de nouvelles recherches.
L’analyse précise des données va permettre de déterminer les zones qui pourraient se révéler intéressantes en termes d’exploitations spéléologiques.
Cette expérience est la première (à notre connaissance) qui a permis d’établir le profil systématique des températures d’une zone karstique.
Dans l’avenir, il serait intéressant de réaliser d’autres prises de vues à d’autres périodes de l’année mais aussi de tenter l’expérience sur d’autres systèmes du massif de Siou-Blanc (Grand-Cap, forêt des Morières…) où la géologie est différente.
Afin de réduire les coûts et bénéficier d’une souplesse d’intervention, il serait intéressant d’étudier d’autres possibilités de moyens aériens comme les ballons ou les drones. L’idéal serait de pouvoir disposer sur une période de plusieurs semaines d’un appareil équipé d’un système de prises vues prêt à décoller au moment où les conditions sont les plus favorables. Cette configuration est irréaliste en termes financiers.
Une collaboration avec des universités travaillant dans le domaine du traitement des images pourrait déboucher sur un travail universitaire et faire progresser l’utilisation de la thermographie dans ses applications géologiques et spéléologiques. Cette démarche d’avenir doit être approfondie et nous cherchons des partenaires …
Voir le principe de la thermographie
Quadrillage pour le survol infrarouge du réseau de la Tête du Cade (clique sur la carte pour l’agrandir)
Voir le film de la mission thermographie de 2001
Carte thermique de la mission de 2001 (clique sur la carte thermique pour l’agrandir)
Mise à jour : le 26/01/11
Page réalisée : T.Lamarque
Article : P.Maurel
Photos : P.Maurel
Vidéos : P.Maurel, R.Nicod, T.Lamarque, A.Assire
Infographie : CDS 83, P.Maurel, A.Assire, R.Monteau, Spélé-H2O
Topographie du réseau de la Tête du Cade (Raymond Monteau), cavité toujours inaccessible à l’heure d’aujourd’hui (clique sur la topo pour l’agrandir)